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L’olivier, un arbre symbole

  • pierre-andré dupire
  • 25 avr. 2016
  • 3 min de lecture

Pour Mim MAGAZINE By La Mamounia / Marrakech, avril 2016

Venu de Syrie en passant par l’Egypte, la Grèce puis l’Italie, l’olivier anime partout le paysage méditerranéen du frémissement de son feuillage argenté. Nulle essence n’a eu un rôle aussi important sur les plans historique, économique ou culturel. On le trouve, multi millénaire, au Liban, en Provence ou en Grèce. L’ONU en a fait le symbole de la paix. Les arabes voient en lui l’image de l’homme universel. Juifs et chrétiens utilisent depuis toujours son huile pour leurs saints sacrements. Une huile qui aujourd’hui est reine à table.

L’olivier porte dans les sillons de son écorce toute l’histoire du Maroc. Les oliveraies et le commerce de l’huile commencent de se développer autour de Volubilis avec les Romains qui furent les premiers à instaurer un contrôle qualité. Quelques siècles plus tard, les arabes, maîtres pépiniéristes et experts en irrigation étendirent les zones de culture et l’huile d’olive (zitoun en arabe, zeitoun en hébreu, azeite en espagnol), grande voyageuse, devint un produit local de première nécessité.

L’olivier est particulièrement robuste et peut donner des olives pendant des siècles. Pour être productif, il lui faut juste de l’eau et une taille régulière. “Malheureusement, dans bien des plantations, le coiffeur ne passe jamais” me dit Abderrazak Benchaâbane, botaniste, enseignant et en outre collectionneur d’art. Ce faisant, il souligne que le secteur de l’oléiculture marocaine est à deux vitesses, d’innombrables petites oliveraies coexistant avec de vastes exploitations semi-industrielles.

De fin octobre à décembre, la cueillette est un grand moment. Dans le jardin de La Mamounia, les arbres sont si hauts qu’on a dû dresser des échelles mobiles qui ressemblent à celles des arbitres dans les matchs de tennis. Seule différence : les balles sont innombrables, noires ou rouges, et de taille minuscule. Elles brillent comme des feux dans le feuillage. Les hommes frappent les branches avec de longs peignes vibreurs. Penchées sur les filets qu’on a tendus sous les arbres, les femmes ramassent les olives. Ce sont les Picholines du Maroc, la variété la plus commune dans le pays. Elles doivent leur appellation aux frères Piccolini, deux italiens qui, au XVIIIe siècle en Provence, faisaient confire les olives dans une saumure additionnée de cendre. Cette recette peu engageante permettait qu’on consomme les fruits verts sans attendre qu’ils murissent et deviennent noirs. On appela Picholines les olives ainsi préparées puis, par extension, les arbres d’où elles étaient cueillies. Arrivés au Maroc au début du XXème siècle, les français baptisèrent ainsi la variété locale qui se prêtait bien à la recette des frères Piccoli.

La Picholine laisse peu à peu place à d’autres variétés. A Tessaout, non loin de Marrakech, se trouve une collection mondiale d’oliviers destinée à conserver et valoriser les ressources génétiques de l’arbre. Fin janvier, branches délestées de leurs olives, il est bien difficile de distinguer les variétés mais il y a là la Ménara et la Haouzia. Belkacem Boulouha a été ingénieur agronome à l’Inra. Il est de ceux qui ont créé ces clones très productifs qui assurent un rendement dès la troisième année quand la Picholine en exige sept. Il estime qu’elles représentent aujourd’hui près de 20 % des surfaces exploitées. Le paysage agricole en est modifié. “On compte jusqu’à 1800 arbres à l’hectare là où on en comptait 200 au plus.” Certaines variétés ont même été sélectionnées pour supporter la cueillette mécanisée et les oliveraies modernes prennent aujourd’hui l’allure de vignes.

Côté extraction, le pays marche aussi à deux vitesses. D’un côté 1500 petites unités traditionnelles (les maâsras) où la meule est encore parfois mue par un âne et qui produisent une huile dont les délais de trituration exacerbent l’acidité. De l’autre côté, 600 moulins modernes, seuls à même d’offrir une huile répondant aux standards internationaux. C’est sur ceux-ci que mise le Maroc pour multiplier sa production d’huile dans un contexte de demande internationale croissante. Mais, dans les villages éloignés, les petits moulins traditionnels gardent leur importance socio-économique. Essentiels pour les petits producteurs locaux, ils offrent aux plus modestes une huile à faible coût et s’il y avait un jour un accord entre les acteurs du secteur concernant la labellisation, ils pourraient jouer un rôle dans la production d’huile de terroirs.

Mais l’olivier a bien d’autres fins : bois de hauffage, huile de soins phyto-thérapeutiques ; quant aux résidus d’extraction, les grignons, ils servent à l’alimentation du bétail, à l’amendement des terres agricoles, entrent dans la composition du bio gaz, de savons et, depuis peu, de bétons allégés. Un arbre multi-services.

Pierre-André Dupire

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