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Les tréteaux nomades d’Awaln’Art

  • pierre-andré dupire
  • 24 avr. 2016
  • 3 min de lecture

Pour Mim MAGAZINE By La Mamounia / Marrakech, 20 février 2016

Voilà bientôt 10 ans que les Rencontres Artistiques Internationales en Places Publiques Awaln’Art animent le paysage de la ville ocre. Le rêve de ce collectif d’artistes franco-marocains ? Faire irruption dans le paysage urbain, en détourner l’usage quotidien, reconquérir ses trottoirs et ses chaussées en les livrant aux marionnettes géantes, aux dragons, aux cracheurs de monstres. Retour sur image.

“Qu’on offre à la foule des rues une occasion de montrer sa dignité humaine, elle la montrera toujours” disait Antonin Artaud. C’est ce qu’ont voulu démonter Khalid Tamer, directeur artistique et Claire Legoff, directrice technique. Ainsi, Awaln’Art s’est installé dans l’espace public. A Marrakech, à Meknès, Essaouira, Tahanaout, mais aussi Aït Ourir ou Aghmat, c’est dans ces scènes ouvertes aux vents qu’ont défilé pitres, grimaciers, musiciens et danseurs. Leur matériel tenait dans un sac. On ne demandait d’argent à personne. Claire Legoff se souvient : “Notre récompense, c’était de lire l’émerveillement dans le regard des spectateurs malgré les conditions difficiles, les places de village manquant d’infrastructure adaptée.” Mais c’est le pari du théâtre de rue. La récompense, se souvient Claire Legoff, directrice technique et cheville ouvrière du festival,.” Foule sentimentale ” dit une chanson populaire.

Awaln’Art (“notre parole” en amazigh) est un hommage à Jemaa elF Fna et à sa tradition de bonimenteurs de tous genres, une grande geste déambulatoire tenant de la fête foraine et du défilé dadaïste, un carnaval de bouffons au féroce appétit de vivre. “Des amuseurs de foire”, penserez-vous.  Vous auriez tort. Eux sont conscients que leurs grimaces ne sont pas que pour faire rire, qu’agir ainsi sur la ville, c’est faire de la politique, que c’est ruse de magicien de détourner les objets et les codes urbains. C’est mener le monde vers d’autres horizons que son train-train quotidien.  Le temps d’un instant, tout bascule. Le temps d’un rêve ? Peut-être bien. Mais il arrive qu’il naisse un air de liberté sur les places publiques.

Chaque année, Graines de Soleil et Eclats de Lune, les deux collectifs à l’initiative de ce festival, ont fait venir quelques 150 artistes du monde entier (avec une majorité d’africains) et attiré plus de 20 000 spectateurs. Associé au Marrakech du rire, puis à la Biennale, Awaln’Art n’a cessé de réfléchir à la place de l’art et des artistes dans la ville et de soutenir les acteurs émergents des arts de la rue au Maroc. Le projet est aujourd’hui soutenu ou appuyé par les institutions marocaines et étrangères. Il s’inscrira  désormais dans le cadre de la Biennale d’Art Contemporain, partageant avec celle-ci le fait d’avoir rejeté les espaces habituellement dévolus à l’art pour se rapprocher du monde.

Car Awaln’Art s’installe durablement. Fini le temps des transhumances, voici le temps du bivouac. Une friche industrielle accueillera en juin la Fabrique des Arts en Place publique. L’idée ? Réunir artistes, scénographes, concepteurs, artisans en un “compagnonnage artistique” à même de concevoir et de proposer des spectacles de rue. Une sorte d’hybridation du Cirque du Soleil et de Royal de Luxe, la mémoire collective du Maroc  en plus. On attend avec impatience de savoir ce qui sortira de ce chaudron magique.

En tous les cas, Awaln’Art aura ouvert ont ouvert un beau chapitre de ce grand livre de la rue qu’avait rêvé d’écrire Michel Crespin, immense figure du monde des Arts vivants.

Pierre-André Dupire

Festival du 24 février au 8 mai 2016

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