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Marrakech Biennale 2016, éléments d’un grand cru

  • pierre-andré dupire
  • 17 avr. 2016
  • 3 min de lecture

Pour Mim MAGAZINE By  La Mamounia / Marrakech, avril 2016

Cinquante artistes internationaux, 30 projets parallèles, de nombreux projets partenaires, 100 000 visiteurs attendus. A l’heure où multiplication des manifestations internationales artistiques fait grincer bien des dents, Marrakech soigne son image et joue le pari de la durée.

L’édition 2016 s’étalera en effet sur 11 semaines. Pour Amine Kabbaj, Président de la Biennale, “la dimension de certaines œuvres exigeait la durée et la régionalisation en marche au Maroc impose de nouvelles obligations. Certaines manifestations seront d’ailleurs délocalisées à Essaouira.”

Classée depuis sa 5ème édition dans le Top 20 des Biennales internationales, ses organisateurs décorés par Sa Majesté, l’événement se devait de prendre de la hauteur. Parmi les autres enjeux : répondre aux reproches d’élitisme ou de sélections archi-répétitives que certains critiques font aux biennales. A cela, les organisateurs semblent avoir répondu avec habileté.

Avec une communication écrite trilingue (anglais, français, arabe), la gratuité totale de l’ensemble des manifestations, le recrutement d’une centaine de médiateurs culturels, la visite prévue de 4000 élèves des écoles de Tétouan et de Casablanca, le parti pris de l’éducation et de la démocratisation s’affiche avec volontarisme. Comme dans toutes les manifestations consacrées à l’art contemporain, les sites d’exposition seront dispersés entre lieux institutionnels et espaces moins conventionnels, ce qui devrait aussi favoriser le dialogue avec les visiteurs.

Que verront ceux-ci ? Après “Où sommes-nous maintenant”, thème de la Biennale de 2014, l’édition 2016 s’interroge à nouveau : “Quoi de neuf là ?” Ces interrogations sont évidemment des prétextes qu’il faut délaisser pour se concentrer sur les choix de Reem Fada, commissaire d’exposition en charge du projet curatorial. 28 janvier dernier, conférence de presse au Café de la Poste : “Ma mission est celle d’un sélectionneur sportif à la recherche de talents”, dit Reem Fada en souriant. Jeune mais sure d’elle, elle mesure le poids de sa responsabilité.

Les artistes qu’elle a retenus conjuguent tous recherche esthétique et engagement politique. La plupart sont du Sud : africains, orientaux, asiatiques. Tous témoignent d’un art engagé au service des transformations sociales ou d’une réflexion sur l’art en tant que moyen de résistance culturelle. Parmi eux, les peintres de l’école de Casablanca.

Petit retour en arrière. 1969. Marrakech accueille le Salon de Printemps, un capharnaüm d’œuvres où dominent l’influence miniaturiste et les motifs orientalistes. Trois trublions organisent une contre-exposition dans un bâtiment aujourd’hui disparu sur la Place Jamaâ El Fna. Les artistes en font un bastion de résistance et lancent un manifeste que publie la célèbre revue littéraire marocaine Souffles (Anfas). Farid Belkahia, né à Marrakech et dont la fondation vient d’être inaugurée dans la Palmeraie, Mohamed Chebâa de Tanger et Mohamed Melehi d’Asilah sont tous allés étudier à l’étranger et enseignent à l’Ecole des Beaux-Arts de Casablanca que dirige alors Farid Belkahia. Ils veulent bouleverser les codes artistiques en vigueur et revisiter le rapport entre tradition et modernité. C’est dans cette matrice inaugurale que naît la peinture contemporaine marocaine. La Biennale leur rend un hommage mérité.

Outre un hommage au travail de la photographe Leïla Alaoui, si chère aux marocains et morte dans l’attentat de Ouagadougou, les visiteurs découvriront le magnifique travail de Mouna Hatoum dont une importante rétrospective a eu lieu au centre Pompidou de Paris en 2015, les installations de Dineo Seehee Bopape, de Saba Innab, de Jumana Manna ou de Mohassin Harraki et les projets architecturaux de Khaled Malas , Sandi Hilal et Alessandro Petti qui tous explorent à leur manière les thèmes de l’aliénation ou de la colonisation. On reverra avec plaisir le travail délicat de Khalil El Ghrib, exemple même de résistance aux lois du marché. A l’opposé Marrakech accueillera pour la première fois des artistes dont les cotes sont au plus haut dans les salles de ventes : Oscar Murillo et Sam Gilliam. Bref, on déambulera beaucoup, entre institutions et acteurs culturels de la ville qui accueilleront bien d’autres évènements et artistes, aucune forme d’expression artistique ne semblant avoir été négligée.

Dans ce siècle lourd de migrations forcées, peut-être nous sera-t-il donné de percevoir ainsi un peu de ce que vivent les peuples déracinés. Rendez-vous du 24 février au 8 mai.

Pierre-André Dupire

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